« SI LA CRISE DU PÉTROLE N’A PAS REMIS EN CAUSE LA MOTORISATION DES 911 DÉJÀ RÉPUTÉES POUR LEUR SOBRIÉTÉ, LES NORMES DE POLLUTION ONT CONTRAINT LE CONSTRUCTEUR À CRÉER DES MOTEURS SPÉCIAUX POUR LE MARCHÉ AMÉRICAIN »
Christophe Goncalves, le responsable des achats et des ventes de Classic Autostore à Brest n’est pas un inconnu des lecteurs de RS magazine puisque dès notre numéro 64 d’octobre 2006, nous vous présentions une 912 Targa qu’il était allé chercher aux Etats-Unis, déjà… Bref, une passion qui remonte loin et dont il a fait son métier comme beaucoup d’entre nous rêvent de le faire. Aujourd’hui, les voitures qu’il préfère sont
un peu plus récentes puisqu’il s’agit des Série G reconnaissables à leurs pare-chocs à soufflets, des autos qu’il déniche toujours aux USA. Mais contrairement à d’autres qui chassent le prix, pour lui, c’est la qualité qui prime avant tout. Pourquoi se fournir au pays de l’Oncle Sam en matière de voiture allemandes me direz-vous ? Tout simplement car Porsche y a toujours fait ses choux gras et que le parc de 911 y est vaste, notamment dans les Etats ou la météo est clémente ce qui a permis une bonne conservation de beaucoup d’exemplaires. Mais revenons au début des années 70, une période trouble pour l’automobile après l’âge d’or des années 60 où la course à la puissance a donné naissance à quelques voitures mythiques, que ce soit pour la route ou pour la course.

Les USA toujours
Comme souvent, ce sont les Etats-Unis qui ont été les premiers à mettre en place des normes de pollution dont le premier effet a été de sérieusement réduire la puissance des moteurs des voitures vendues aux USA à partir de 1972. Et comme si cela ne suffisait pas, un an plus tard, la première crise du pétrole déclenchait le doublement du prix de l’essence, ce qui n’allait pas arranger une situation déjà difficile pour les constructeurs. Chez Porsche, si la crise du pétrole n’a pas remis en cause la motorisation des 911 déjà réputées pour leur sobriété, il n’en a pas été de même quant aux effets des normes de pollution qui ont contraint le constructeur à créer des moteurs spéciaux, non seulement pour le marché américain, mais aussi pour la Californie dont les normes étaient encore plus draconiennes que dans le reste du pays. Pour limiter les coûts de développement liés à la création de ces nouveaux moteurs, Porsche a réduit son offre à une seule motorisation développant 173 ch en 1974… puis 162 ch à partir de 1975 ! Heureusement qu’il y avait l’attrait de la nouvelle carrosserie avec ses pare-chocs à soufflets et la baisse notoire de la puissance des concurrentes américaines pour continuer d’attirer les acheteurs américains qui avaient tout de même droit à un “emballage” de qualité. En effet, en 1974 et 1975, ils avaient le choix entre une 911 et une Carrera qui ne différaient que par leurs carrosseries et leurs équipements, les motorisations étant identiques, la 911 étant rebaptisée 911 S pour les millésimes 1976 et 1977.


Un vrai casse-tête
Il faut dire qu’à l’époque, il était difficile de s’y retrouver entre les moteurs dont la cylindrée était la même mais la puissance différait d’un pays à l’autre. Prenons le cas du 6 cylindres développant 150 ch qui équipe les 911 européennes en 1974 et 1975. Ce moteur est encore commercialisé en 1976, mais uniquement au Japon, en parallèle d’une 911 S dont le 6 cylindres de 165 ch n’est autre que celui des 911 S américaines et des 911 “sans S” européennes. Vous suivez toujours ? Donc, vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’en 1975, ce moteur de 165 ch équipait les 911 Carrera américaines, perdant 3 chevaux au passage… Quand on vous dit que cette période est un véritable casse-tête lorsque l’on veut comprendre qu’elle était la puissance exacte de tel ou tel modèle ! Vous saurez finalement tout sur ce 2,7 litres quand je vous aurai dit qu’il possède un carter en magnésium identique à celui des Carrera 2.7 RS dont il reprend les cotes et la cylindrée, mais il se distingue par un taux de compression de 8,5:1 seulement et des arbres à cames beaucoup moins “agressifs”, l’injection K-Jetronic étant incompatible avec des arbres à cames “pointus” et les hauts régimes. En outre, l’échappement a été modifié pour pouvoir recevoir un catalyseur ce qui fait qu’au lieu de se diriger directement vers le silencieux transversal arrière, les échangeurs sont orientés vers l’avant avec un tube intermédiaire et un catalyseur ou un pré-silencieux dans l’aile arrière gauche. Cela ne contribuait pas à améliorer le rendement du moteur, mais c’était indispensable pour pouvoir installer le catalyseur désormais obligatoire dans certains pays.
L’arrivée de la galvanisation
Après la nouvelle carrosserie apparue pour le millésime 1974, une autre “révolution” accompagne les 911 du millésime 1976 : la galvanisation à chaud de la coque avant sa peinture. Le but est de protéger les tôles contre la corrosion ce qui permet à Porsche d’offrir dorénavant une garantie de 6 ans contre les perforations liées à la corrosion, garantie qui sera étendue à 10 ans par la suite. Aujourd’hui, cela paraît normal qu’une voiture ne rouille pas, mais au début des années 70, la corrosion était un véritable fléau et il n’était pas rare de voir des autos de moins de 5 ans présentant des bas de caisse et des portes ou des ailes en dentelles dans les régions montagneuses ou au bord de la mer, les remèdes empiriques utilisés à l’époque comme le blackson étant pires que le mal car ils emprisonnaient l’humidité ! Sans aller jusqu’à parler d’éradication de la corrosion, on peut dire qu’à partir de 1976, les Porsche ne rouillent pratiquement plus même si, comme toujours, certaines exceptions confirment la règle.
Le début des “G”
Mais revenons au millésime 1974 lancé en août 1973. Il n’y a pas que les motorisations qui changent puisque la 911 bénéficie de sa première évolution esthétique depuis sa présentation 10 ans auparavant. Sous la contrainte des normes de collisions américaines qui imposent aux voitures de résister à des chocs à basse vitesse sans dommages, Porsche redessine les pare-chocs de la 911 afin d’intégrer les fameux soufflets qui permettent aux pare-chocs montés sur amortisseurs de reculer sous l’impact puis de reprendre leur place initiale. Attention, il faut néanmoins savoir que ce montage était réservé aux autos à destination du marché US, le reste de la production, majoritairement des voitures programmées pour l’Europe à l’époque devant se contenter de traditionnels supports tubulaires rigides sous les soufflets qui n’avaient ici qu’un rôle de figuration ! Ce lifting esthétique s’est accompagné de modifications de détails dans l’habitacle à l’image des nouveaux sièges à appuie-tête intégré, du nouveau dessin du volant et des commandes recouvertes de caoutchouc, le tout ayant pour
but de réduire les risques de blessures en cas d’accident. Enfin, des buses de ventilation sont installées à chaque extrémité de la planche de bord, mais leur efficacité est limitée, tout comme celle du chauffage qui n’a pas vraiment progressé depuis l’origine de la 911 ! Il faudra attendre le millésime 1976 pour voir arriver des buses de ventilation positionnées au centre de la planche de bord et l’année suivante pour que la 911 reçoive une assistance du freinage par servofrein, ce qui a par ailleurs sensiblement réduit la contenance du coffre.

De plus en plus recherchées
Tout comme les 911 T auparavant et malgré le fait qu’elles aient été les plus vendues à l’époque, pendant longtemps, les 911 et 911 S des années 74 à 77 n’ont pas attiré les collectionneurs comme malheureusement tous les modèles d’entrée de gamme, les versions les plus puissantes ou les mieux équipées connaissant généralement un bien meilleur sort. Mais petit à petit, les ailes étroites, les chromes et le look mi-moderne, mi-vintage des 2.7 litres ont commencé à séduire les amateurs de 911 anciennes. Un attrait qui s’est encore renforcé ces dernières années du fait de leur cote encore “raisonnable” si on la compare à celle des autres Série G ou des 911 Classic. Mettre côte à côte ces deux exemplaires permet de constater combien la 911 a peu évolué durant ces 4 millésimes, même si de nombreux détails ont néanmoins été revus au fil du temps. A tout seigneur, tout honneur, commençons par notre coupé de 1974 qui n’affiche que 133 600 km. Un kilométrage facile à authentifier grâce à l’épais dossier de factures qui l’accompagne depuis sa sortie d’usine et par le fait qu’elle n’a connu que deux propriétaires, le premier l’ayant conservée 40 ans, rien que ça, en Californie et le second l’ayant gardée 4 ans en Alabama. Sa principale particularité est d’être équipée de la climatisation, une option rare au milieu des années 70, mais compréhensible quand on résidait en Californie.
