Brest. À l’extrémité de ce doigt de terre pointé vers les Amériques, Classic AutoStore s’est fait une spécialité des 911 “youngtimer”. Christophe Goncalvez se fournit directement en “Type G” de l’autre côté de l’Atlantique, là où elles sont encore les plus nombreuses, et probablement les mieux conservées.
Par nature, le Breton est un homme de la mer. Et ce n’est pas qu’une formule. À défaut d’être génétique, c’est culturel. Intrinsèque. Le Breton voit au-delà de l’océan, qui se révèle finalement être un chemin privilégié plutôt qu’une barrière. Et que voit-il depuis le bout du bout du Finistère ? Ce nouveau Continent qui a toujours été le premier marché de Porsche depuis qu’un certain Max Hoffmann y a importé les premières 356 au début des années 50. Les USA…
Ça fait maintenant une bonne vingtaine d’années que Christophe Goncalvez tourne les yeux vers l’ouest lorsqu’il achète une Porsche. Mais bien plus longtemps encore qu’il regarde les Porsche. Il y a presque trente-cinq ans, il s’est offert sa première 911, alors qu’il n’avait pas encore son permis de conduire. C’était une 911 E. Il avait dix-neuf ans, elle devait en avoir à peine quinze. Un amour de jeunesse, auquel il est resté fidèle… C’était au milieu des années 80, une de ces voitures d’une quinzaine d’années qui ne valait alors plus grand-chose parce qu’elle n’intéressait plus grand monde, sinon quelques jeunes qui y voyaient le moyen abordable d’assouvir une passion. Lorsqu’il entre dans la vie active, Christophe traverse régulièrement l’Atlantique, voyage, surtout à travers les USA, se familiarise avec la langue, s’imprègne du marché automobile local, et constate qu’il est plutôt favorable à l’Européen visant une “used” Porsche à un prix décent, à cette époque où l’on ne parle pas encore de “Classic”. Et progressivement, à titre personnel, il achète ses voitures aux États-Unis. Se casse d’abord les dents sur les formalités administratives d’importation et d’immatriculation sur le sol français mais finit par en appréhender les rouages. Et finalement, lorsque l’entrée dans le troisième millénaire sonne l’avènement d’Internet, il est prêt ! Ce “bon plan perso” pour rouler dans les Porsche dont il rêve peut rendre service à d’autres et devenir une activité professionnelle à part entière. Pendant plusieurs années, Christophe tient son petit business d’import de Porsche d’origine américaine. Puis saisit l’opportunité de passer à un stade supérieur…
À Brest, un grand groupe de distribution automobile, Sofipel, cherche l’homme d’expérience pour mettre sur pied une division à vocation Classic. Le concept est séduisant pour les deux parties. Christophe poursuit une activité qui le passionne avec la force d’une grande structure, qui permettent de constituer un stock en quantité raisonnable et de qualité supérieure. Qu’il soit spécialisé dans la 911 aurait pu être un handicap… si Classic AutoStore s’était présenté comme un généraliste. Mais pour exister aujourd’hui sur le marché de l’ancienne, il faut un positionnement clair, une identité forte, une spécialité sur laquelle vous vous posez en référence et sur laquelle vous devenez l’adresse de confiance. Ainsi Classic AutoStore s’est imposé comme le spécialiste Porsche… concentré sur la 911, uniquement air-cooled, et que de la Type G ! Suffisamment clair ? Selon Christophe, cette génération de 911 “à soufflet” qui a perpétué le modèle entre 1974 et 1989 était un choix de raison. D’abord parce que sont image est en pleine mutation. Elle a désormais quitté le statut de 911 “entre deux âges”, un peu désuète, pour entrer de plain-pied dans les sphères de la collection. Elle est fiable, elle est facile à utiliser, et elle est encore la plus abordable des 911. C’est clairement le moment de s’y intéresser. Par les innovations dont elle profite, notamment en termes de traitements des aciers, elle est encore majoritairement en état d’origine. Et plutôt bon. D’autant plus que, comme Christophe n’a rien changé à ses habitudes d’approvisionnement, une voiture qui a évolué sous le ciel de Californie, de Floride ou du Texas n’a généralement pas à se plaindre de corrosion…
Pour ne rien gâcher, les volumes de 911 écoulés sous ces latitudes promettent une offre plus large, un marché moins tendu, et des prix plus raisonnables qu’en Europe même en additionnant les frais de transport, de douanes et d’immatriculation. Et puis… où pensez-vous que Classic AutoStore déniche des séries réservées au marché US comme la SC Weissach de l’article précédent, sinon à la source ? A contrario, certains modèles n’ont jamais été vendus aux USA, comme les Turbo des millésimes 1980-1985 ou des séries limitées “européennes”, dont la Jubilé du même article. Mais Christophe sait aussi puiser à des sources plus conventionnelles pour débusquer des pièces rares bien de chez nous. C’est d’ailleurs vers cette niche que veut s’élargir l’offre de Classic AutoStore maintenant que l’activité est bien lancée. Les séries limitées, les modèles exclusifs comme les Carrera Clubsport ou les mythiques Speedster… Classic AutoStore occupe un espace vaste et lumineux dans le complexe automobile du nord de Brest. Devant l’impressionnante verrière, les seventies vous accueillent de leurs couleurs improbables. Si maintenant le doute persistait sur le contenu du showroom, la majestueuse enseigne le dissipera instantanément. Haut perché au-dessus de l’entrée, un flanc de “Type G” à taille réelle (que les plus attentifs auront identifié comme une création Decoloft24) vous accueille dans le paradis de la 911 à soufflets. L’architecture moderne, de verre et d’acier, de noir et de blanc, contraste avec les courbes tendues des carrosseries et relève les couleurs. Bon, le jour de notre visite, ça jouait surtout la sobriété des années 80, entre noir, blanc et rouge. Alors justement, cette modeste 2.7 S de 1977 tire son épingle du jeu par un brillant Copper Brown Metallic. Et le Platinium Grey de la SC Weissach, là sous l’escalier…